La question de l’assujettissement d’une propriété indivise à la taxe d’habitation soulève des problématiques juridiques complexes à l’intersection du droit fiscal et du droit civil. Dans un contexte où l’indivision concerne de nombreux Français, qu’elle résulte d’une succession, d’un divorce ou d’un achat commun, la détermination du redevable de la taxe d’habitation constitue un enjeu pratique majeur. Les règles applicables diffèrent selon les situations d’occupation du bien, la nature de l’indivision et les accords entre indivisaires. Cette matière fiscale nécessite une analyse précise des textes légaux et de la jurisprudence pour déterminer qui, parmi les copropriétaires indivis, devra s’acquitter de cette obligation fiscale.
Fondements juridiques de la taxe d’habitation appliquée aux biens indivis
La taxe d’habitation est un impôt local régi par les articles 1407 à 1414 du Code général des impôts. Son principe fondamental repose sur l’occupation effective d’un logement au 1er janvier de l’année d’imposition, indépendamment du statut de propriétaire ou de locataire. Dans le cas spécifique des biens indivis, cette règle générale s’applique avec certaines particularités.
Selon l’article 1408 du Code général des impôts, la taxe d’habitation est due par toute personne ayant la disposition ou la jouissance des locaux imposables. Le Conseil d’État a précisé dans plusieurs arrêts que la notion de disposition ou jouissance s’apprécie de façon concrète, en fonction de la réalité de l’occupation. Ainsi, le fait d’être propriétaire en indivision ne suffit pas à rendre redevable de la taxe si l’indivisaire n’occupe pas effectivement le bien.
L’indivision, définie aux articles 815 et suivants du Code civil, caractérise la situation juridique dans laquelle plusieurs personnes sont propriétaires ensemble d’un même bien sans qu’une division matérielle de leurs droits soit établie. Chaque indivisaire détient une quote-part abstraite du bien, mais l’ensemble du bien appartient collectivement à tous.
Critères déterminants pour l’assujettissement
Les critères déterminants pour l’assujettissement à la taxe d’habitation d’un bien indivis se fondent sur:
- L’occupation effective du logement au 1er janvier
- La qualité d’occupant principal du bien
- L’existence d’une convention d’indivision modifiant les règles de jouissance
- La nature des droits détenus par chaque indivisaire
La jurisprudence administrative a apporté des précisions essentielles en la matière. Dans un arrêt du 28 décembre 1992 (n° 95031), le Conseil d’État a confirmé que seul l’indivisaire qui occupe effectivement le logement est redevable de la taxe d’habitation. Cette position a été constamment réaffirmée, notamment dans l’arrêt du 13 janvier 2010 (n° 310493), où les juges ont rappelé que la simple qualité de propriétaire indivis ne suffit pas à justifier l’imposition.
La doctrine fiscale, codifiée au BOI-IF-TH-10-20-10, précise que lorsque plusieurs indivisaires occupent simultanément le bien, ils sont considérés comme co-occupants et donc codébiteurs solidaires de la taxe. Cette solidarité fiscale découle directement de l’article 1408 du CGI et s’applique indépendamment des quotes-parts détenues dans l’indivision.
Modalités d’imposition selon les configurations d’occupation
Les règles d’assujettissement à la taxe d’habitation varient considérablement selon les configurations d’occupation du bien indivis. Ces différentes situations méritent une analyse détaillée pour déterminer avec précision qui sera le redevable légal de l’impôt.
Occupation par un seul indivisaire
Lorsqu’un seul indivisaire occupe le logement à titre privatif, il devient l’unique redevable de la taxe d’habitation, indépendamment de sa quote-part dans l’indivision. Cette règle découle d’une application stricte du principe de la jouissance effective posé par l’article 1408 du CGI.
La Cour administrative d’appel de Lyon, dans un arrêt du 12 juillet 2016 (n° 14LY03059), a confirmé cette position en jugeant que l’ex-épouse occupant seule le domicile conjugal après séparation était l’unique redevable de la taxe d’habitation, bien que son ex-époux demeurât propriétaire indivis. Cette jurisprudence s’inscrit dans la lignée constante des décisions du Conseil d’État sur ce sujet.
L’indivisaire occupant ne peut pas demander aux autres indivisaires de participer au paiement de cette taxe sur le fondement du droit fiscal. Toutefois, dans le cadre des relations entre indivisaires, une compensation peut éventuellement être sollicitée sur le fondement du droit civil, notamment lors du partage final de l’indivision.
Occupation conjointe par plusieurs indivisaires
Lorsque plusieurs indivisaires occupent simultanément le bien, la taxe d’habitation est due solidairement par l’ensemble des occupants. Cette solidarité fiscale est expressément prévue par l’article 1408 du CGI et confirmée par une jurisprudence constante.
Dans ce cas de figure, l’administration fiscale peut réclamer la totalité de l’impôt à n’importe lequel des co-occupants, indépendamment de leur quote-part dans l’indivision. Le redevable qui s’acquitte de l’intégralité de la taxe dispose ensuite d’un recours contre les autres occupants pour obtenir remboursement de leur part, conformément à l’article 1251 du Code civil.
La répartition interne entre indivisaires s’effectue généralement au prorata des droits détenus dans l’indivision, sauf convention contraire établie entre les parties. Un arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2008 (n° 06-21.250) a d’ailleurs précisé que les indivisaires peuvent librement convenir des modalités de répartition des charges fiscales entre eux.
Bien indivis donné en location
Lorsque le bien indivis est donné en location, la situation fiscale se simplifie : le locataire devient l’unique redevable de la taxe d’habitation, conformément au principe général posé par l’article 1408 du CGI. Les indivisaires, en leur qualité de bailleurs, ne sont pas concernés par cette imposition.
Cette règle s’applique même si le contrat de bail prévoit que la taxe d’habitation sera remboursée par le locataire au bailleur. Dans ce cas, l’administration fiscale continue de considérer le locataire comme le redevable légal, la clause contractuelle ne produisant d’effets qu’entre les parties.
Les revenus locatifs perçus par les indivisaires seront quant à eux imposés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers, au prorata des droits détenus par chacun dans l’indivision.
Cas particuliers et situations complexes d’indivision
Certaines configurations d’indivision présentent des spécificités qui influencent directement l’application de la taxe d’habitation. Ces situations méritent une attention particulière tant elles peuvent modifier les règles générales d’assujettissement.
Indivision successorale et taxation temporaire
L’indivision successorale présente des particularités fiscales notables. Lorsqu’un logement devient indivis suite au décès de son propriétaire, la question de l’assujettissement à la taxe d’habitation se pose avec acuité, notamment durant la période transitoire précédant le règlement de la succession.
Si le logement demeure inoccupé après le décès, la jurisprudence administrative considère qu’aucun des héritiers n’est redevable de la taxe d’habitation, faute d’occupation effective. Le Conseil d’État, dans une décision du 18 mars 2005 (n° 260494), a confirmé ce principe en précisant que la simple qualité d’héritier ne suffit pas à caractériser la disposition du bien au sens de l’article 1408 du CGI.
Toutefois, si l’un des héritiers utilise le bien, même occasionnellement, il peut être considéré comme ayant la disposition du logement. Dans un arrêt du 16 février 2015, la Cour administrative d’appel de Marseille (n° 12MA02396) a jugé qu’un héritier qui conservait ses effets personnels dans le logement et s’y rendait régulièrement pour l’entretenir devait être considéré comme occupant au sens fiscal.
Pour éviter toute ambiguïté, les héritiers indivisaires ont intérêt à formaliser clairement la situation d’occupation du bien par un constat d’huissier ou une convention d’indivision précisant les modalités d’usage du bien pendant la période d’indivision.
Indivision entre époux et partenaires de PACS
L’indivision entre époux ou partenaires de PACS présente des spécificités en matière de taxe d’habitation. Ces couples sont systématiquement considérés comme co-occupants du logement qu’ils habitent ensemble, et donc solidairement redevables de la taxe.
En cas de séparation, la situation devient plus complexe. Lorsqu’un jugement de divorce attribue la jouissance du logement à l’un des époux, seul ce dernier reste redevable de la taxe d’habitation, conformément à l’article 1408 du CGI. Cette règle s’applique dès l’ordonnance de non-conciliation fixant la résidence séparée des époux.
La Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt du 30 juin 2017 (n° 15NT03061), a précisé que l’époux qui n’occupe plus le domicile conjugal suite à une ordonnance de non-conciliation ne peut plus être considéré comme ayant la disposition du logement, même s’il en reste propriétaire indivis.
Pour les partenaires de PACS, des règles similaires s’appliquent en cas de rupture, mais l’attribution judiciaire du droit d’usage étant moins systématique, il convient de s’attacher aux faits concrets d’occupation pour déterminer le redevable.
Usufruit et indivision
La combinaison entre usufruit et indivision crée des situations juridiques particulières. Lorsqu’un bien est détenu en indivision avec un usufruitier, c’est ce dernier qui est en principe redevable de la taxe d’habitation s’il occupe le bien, conformément à l’article 608 du Code civil qui met à sa charge les taxes considérées comme charges des fruits.
Si l’usufruit est lui-même détenu en indivision par plusieurs personnes, la taxe d’habitation sera due par celui ou ceux des usufruitiers indivis qui occupent effectivement le logement. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État dans un arrêt du 24 mars 2006 (n° 257330).
Dans le cas particulier où le bien est occupé conjointement par un usufruitier et un nu-propriétaire indivis, ils seront considérés comme co-occupants et donc solidairement redevables de la taxe. La Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans une décision du 7 mai 2013 (n° 11BX01233), a validé cette approche en considérant que la qualité d’occupant prime sur le démembrement du droit de propriété.
Ces situations complexes illustrent la nécessité d’analyser précisément chaque configuration d’indivision pour déterminer correctement le redevable de la taxe d’habitation.
Contentieux et recours en matière de taxe d’habitation sur les biens indivis
Les litiges relatifs à l’assujettissement d’une propriété indivise à la taxe d’habitation sont fréquents et donnent lieu à un contentieux spécifique. La connaissance des voies de recours et des arguments juridiques pertinents s’avère fondamentale pour les indivisaires souhaitant contester leur imposition.
Procédure de réclamation préalable
Avant toute action contentieuse, l’indivisaire qui conteste son assujettissement à la taxe d’habitation doit obligatoirement présenter une réclamation préalable auprès de l’administration fiscale, conformément à l’article R*190-1 du Livre des procédures fiscales.
Cette réclamation doit être adressée au service des impôts dont dépend le lieu d’imposition, dans un délai de rigueur fixé au 31 décembre de l’année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle. Elle doit être motivée et accompagnée de l’avis d’imposition contesté.
Les motifs de réclamation peuvent notamment porter sur:
- L’absence d’occupation effective du bien par le réclamant
- L’existence d’un autre occupant principal redevable légal de la taxe
- Une erreur dans l’identification du redevable en présence d’une convention d’indivision
- Une erreur matérielle dans l’évaluation de la base d’imposition
L’administration dispose d’un délai de six mois pour répondre à cette réclamation. L’absence de réponse dans ce délai équivaut à un rejet implicite ouvrant droit au recours contentieux.
Contentieux juridictionnel
En cas de rejet de la réclamation préalable, l’indivisaire dispose d’un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif territorialement compétent. La procédure devant les juridictions administratives en matière fiscale présente certaines particularités qu’il convient de maîtriser.
La requête introductive d’instance doit contenir l’exposé précis des faits et moyens de droit sur lesquels se fonde la contestation. Dans le cas spécifique de l’indivision, la preuve de l’absence d’occupation ou de la présence d’un autre occupant redevable constitue souvent le point central du litige.
La jurisprudence administrative a dégagé plusieurs moyens de preuve recevables pour établir la situation réelle d’occupation:
- Les attestations de témoins (voisins, gardien d’immeuble)
- Les factures d’eau, d’électricité ou de téléphone
- Les conventions d’indivision régulièrement enregistrées
- Les décisions judiciaires attribuant la jouissance du bien
- Les constats d’huissier attestant de l’occupation ou de l’inoccupation
Le tribunal administratif apprécie souverainement ces éléments de preuve pour déterminer la réalité de l’occupation. Sa décision peut faire l’objet d’un appel devant la cour administrative d’appel dans un délai de deux mois, puis éventuellement d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
Règlement des conflits entre indivisaires
Au-delà du contentieux fiscal, l’assujettissement à la taxe d’habitation peut générer des conflits entre indivisaires, notamment lorsque celui qui a payé l’impôt cherche à obtenir remboursement auprès des autres.
Ces litiges relèvent de la compétence du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, conformément à l’article 841 du Code de procédure civile. Le juge des contentieux de la protection est compétent lorsque la demande porte sur les modalités d’exercice de l’indivision.
Le tribunal judiciaire peut être saisi soit par assignation, soit dans le cadre d’une procédure de partage judiciaire de l’indivision. Dans ce dernier cas, les créances liées au paiement des taxes peuvent être intégrées aux opérations de compte, liquidation et partage réalisées sous l’égide du notaire désigné.
Pour prévenir ces conflits, les indivisaires ont tout intérêt à établir une convention d’indivision précisant clairement les modalités de répartition des charges fiscales, conformément à l’article 1873-1 du Code civil. Cette convention, opposable à l’administration fiscale si elle est régulièrement enregistrée, permet d’organiser contractuellement le remboursement des impôts acquittés par l’un des indivisaires pour le compte des autres.
Stratégies juridiques et fiscales pour les propriétaires indivis
Face aux complexités liées à l’assujettissement des biens indivis à la taxe d’habitation, diverses stratégies juridiques et fiscales peuvent être mises en œuvre par les indivisaires pour clarifier leur situation, optimiser leur position fiscale et prévenir les litiges potentiels.
Formalisation des rapports entre indivisaires
La rédaction d’une convention d’indivision constitue l’outil juridique le plus efficace pour organiser les rapports entre indivisaires concernant la jouissance du bien et la répartition des charges fiscales. Prévue par les articles 1873-1 à 1873-18 du Code civil, cette convention permet de fixer clairement les règles applicables à l’indivision.
Pour être pleinement efficace en matière fiscale, la convention doit:
- Désigner précisément l’indivisaire bénéficiant de la jouissance exclusive du bien
- Fixer les conditions financières de cette jouissance (indemnité ou gratuité)
- Déterminer la répartition des charges fiscales, dont la taxe d’habitation
- Prévoir les modalités de remboursement entre indivisaires
- Être enregistrée auprès du service des impôts pour lui conférer date certaine
Si la convention prévoit une jouissance divise du bien (chaque indivisaire dispose d’une partie déterminée du bien), chacun sera redevable de la taxe d’habitation pour la partie qu’il occupe, comme l’a confirmé le Conseil d’État dans un arrêt du 9 novembre 1988 (n° 56701).
À défaut de convention formalisée, les indivisaires peuvent établir un règlement d’usage du bien indivis par simple accord écrit. Ce document, bien que moins solennel qu’une convention d’indivision, peut servir de preuve en cas de contentieux fiscal.
Sortie de l’indivision et impact fiscal
La sortie de l’indivision constitue parfois la solution la plus adaptée pour clarifier définitivement la situation fiscale. Plusieurs modalités juridiques permettent d’y parvenir, chacune avec ses implications propres en matière de taxe d’habitation.
Le partage de l’indivision, régi par les articles 816 et suivants du Code civil, permet d’attribuer à chaque indivisaire la pleine propriété d’une partie déterminée du bien ou d’un bien distinct. Après partage, chaque attributaire devient seul redevable de la taxe d’habitation pour le bien qu’il reçoit s’il l’occupe.
La licitation, qui consiste en la vente du bien indivis soit à un tiers, soit à l’un des indivisaires, entraîne l’extinction de l’indivision. L’acquéreur devient alors l’unique propriétaire et, s’il occupe le bien, le seul redevable de la taxe d’habitation.
L’acquisition progressive des parts indivises par l’un des indivisaires constitue une stratégie alternative permettant d’éviter les frais d’un partage judiciaire. Chaque cession de droits indivis doit faire l’objet d’un acte notarié et entraîne des droits d’enregistrement spécifiques.
Optimisation fiscale légale
Dans le cadre légal existant, certaines stratégies d’optimisation fiscale peuvent être envisagées par les indivisaires pour réduire la charge de la taxe d’habitation.
La demande d’exonérations ou abattements constitue la première piste d’optimisation. L’indivisaire occupant peut, sous conditions de ressources, bénéficier d’exonérations prévues par l’article 1414 du CGI, notamment pour les personnes âgées, veuves ou handicapées. Des abattements pour charges de famille peuvent également s’appliquer.
L’organisation de l’occupation alternée du bien indivis peut, dans certains cas, permettre une répartition de la charge fiscale. Si deux indivisaires occupent successivement le bien à titre de résidence principale au cours d’une même année, celui qui l’occupe au 1er janvier reste seul redevable de la taxe pour l’année entière, conformément au principe d’annualité de l’impôt.
La transformation de l’indivision en société civile immobilière (SCI) constitue une autre stratégie possible. Les parts de la SCI sont attribuées aux anciens indivisaires proportionnellement à leurs droits. La SCI, en tant que personne morale, devient propriétaire du bien, et la taxe d’habitation sera due par l’occupant (associé ou locataire). Cette structure présente l’avantage de clarifier la gestion du bien et de faciliter les transmissions ultérieures.
Face à la réforme progressive de la taxe d’habitation, qui prévoit sa suppression pour les résidences principales, les indivisaires doivent rester vigilants quant à l’évolution législative et aux nouvelles taxes susceptibles de la remplacer, afin d’adapter leurs stratégies en conséquence.
Perspectives d’évolution et adaptation aux réformes fiscales
L’assujettissement des propriétés indivises à la taxe d’habitation s’inscrit dans un paysage fiscal en pleine mutation. Les réformes récentes et à venir transforment progressivement les règles applicables, obligeant les indivisaires à adapter leurs stratégies juridiques et fiscales.
Impact de la suppression progressive de la taxe d’habitation
La réforme de la taxe d’habitation, initiée par la loi de finances pour 2018, prévoit sa suppression progressive pour les résidences principales. Cette évolution majeure modifie considérablement les enjeux liés à l’assujettissement des biens indivis.
Pour les résidences principales détenues en indivision, la suppression de la taxe d’habitation s’applique selon le même calendrier que pour les autres logements, avec une disparition totale prévue en 2023. Toutefois, cette exonération est soumise à des conditions de ressources pour certains contribuables, ce qui peut créer des situations différenciées entre indivisaires selon leurs revenus personnels.
Les résidences secondaires détenues en indivision restent quant à elles soumises à la taxe d’habitation, rebaptisée « taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale » (THRS). Cette distinction renforce l’importance de qualifier correctement la nature du bien indivis (résidence principale ou secondaire) et d’identifier précisément l’occupant au 1er janvier.
Les collectivités territoriales conservent par ailleurs la possibilité de majorer la THRS dans les zones tendues, ce qui peut significativement alourdir la charge fiscale pour les indivisaires propriétaires de résidences secondaires dans ces secteurs géographiques.
Nouvelles taxes locales et compensation fiscale
La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales s’accompagne d’une refonte plus large de la fiscalité locale, avec des conséquences indirectes pour les propriétaires indivis.
La taxe foncière devient le principal impôt local supporté par les propriétaires, y compris en situation d’indivision. Contrairement à la taxe d’habitation, la taxe foncière est due par tous les propriétaires au prorata de leurs droits indivis, indépendamment de l’occupation effective du bien. Cette différence fondamentale modifie les équilibres financiers au sein de l’indivision et peut nécessiter une révision des accords entre indivisaires.
La création d’une nouvelle taxe sur les logements vacants dans certaines communes peut également impacter les propriétaires indivis, notamment lorsque le bien reste inoccupé pendant une période prolongée, par exemple en attente de vente ou de partage. Cette taxe, distincte de la taxe d’habitation, obéit à des règles spécifiques d’assujettissement et de recouvrement.
Certaines communes ont par ailleurs institué des taxes additionnelles sur les résidences secondaires ou mis en place des systèmes de surtaxation des logements sous-occupés. Ces dispositifs fiscaux locaux, qui se développent particulièrement dans les zones touristiques ou à forte tension immobilière, doivent être pris en compte dans la stratégie fiscale des indivisaires.
Adaptation des stratégies juridiques face aux évolutions fiscales
Face à ces évolutions fiscales, les indivisaires doivent adapter leurs stratégies juridiques pour maintenir une gestion optimale de leurs biens communs.
La révision des conventions d’indivision existantes s’impose comme une priorité pour intégrer les nouvelles donnes fiscales. Les clauses relatives à la répartition des charges fiscales doivent être actualisées pour tenir compte de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et du poids croissant de la taxe foncière.
Le choix entre maintien de l’indivision et sortie de l’indivision mérite d’être réévalué à la lumière des réformes fiscales. Dans certains cas, la transformation de l’indivision en société civile immobilière peut offrir une souplesse accrue dans la gestion fiscale du bien, notamment pour les résidences secondaires qui restent soumises à taxation.
L’optimisation du statut d’occupation du bien indivis devient un levier stratégique majeur. La qualification en résidence principale (exonérée de taxe d’habitation à terme) ou en résidence secondaire (toujours taxée) dépend de critères précis que les indivisaires peuvent parfois aménager, dans le respect des règles fiscales.
Pour les indivisions successorales, l’accélération du règlement de la succession peut parfois permettre d’éviter certaines situations fiscalement défavorables, notamment lorsque le bien reste vacant pendant une période prolongée et risque d’être soumis à la taxe sur les logements vacants.
Ces adaptations stratégiques nécessitent une veille juridique et fiscale constante, ainsi qu’une coordination étroite entre les indivisaires. Le recours à des professionnels du droit et de la fiscalité (notaires, avocats fiscalistes, experts-comptables) s’avère souvent indispensable pour naviguer dans ce paysage fiscal en mutation et sécuriser les choix effectués.
